À propos d’un article du Journal du dimanche
Photos : jungle de Calais, gare de triage de Kornwestheim, Albert Londres
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Le Journal du dimanche du 06-08-2017 titre [1] en une :
« Le plan de la France pour trier les migrants »
Il s’agit de l’annonce d’une interview [2] de Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur du gouvernement Philippe, par trois journalistes que je préfèrerais ne pas nommer – l’accusation de délation me menace, et « rigoureusement ma mère m’a défendu de [les] nommer ici » – mais mon devoir d’informer l’emporte : il s’agit Stéphane Joahny, Christine Ollivier et David Revault d’Allonnes.
Ce superbe titre m’a donné une idée : je vais élaborer un
Plan pour trier les journalistes,
que je soumettrai à Françoise Nyssen, ministre de la culture du même gouvernement. J’espère que cela m’ouvrira, à moi aussi, la une du JdD. Votre participation à cette élaboration est fortement souhaitée.
Les principales orientations de ce plan sont les suivantes.
- Il est vital de distinguer les journalistes politiques des journalistes économiques.
L’identification des premiers est simple. Ils sont soumis, de par le milieu qu’ils fréquentent, à des atteintes permanentes à leurs droits humains les plus élémentaires (harcèlement sexuel, pressions, mensonges éhontés…) : c’est, vous l’avouerez, inadmissible. Pour les seconds, l’identification est plus difficile : ils s’estiment, on ne sait pourquoi, victimes d’inégalités de traitement (au sens de salaire) et de frais de déplacement, ce qui est, vous l’avouerez aussi, beaucoup plus supportable. C’est pour cela qu’ils axent leurs articles sur les conditions économiques.
Les deux groupes n’ont donc qu’une idée en tête – ils ne sont jamais contents – : quitter leur journal, leurs chaînes (sans jeu de mots) ou leur média, pour migrer vers un autre journal, d’autres chaînes, un autre média où la liberté de parole est totale, l’herbe plus verte, le soleil plus doux, la table mieux garnie.
Bien entendu, la Déclaration universelle des droits de l’homme-journaliste leur reconnaît le droit de le faire. Mais même si, pour d’évidentes raisons morales, ils doivent faire un effort, les bons médias ne peuvent accueillir toute la misère journalistique du monde. Un flux incontrôlable de journalistes migrants déferle donc sur le monde des médias, avec les conséquences désastreuses que vous imaginez.
En anglais, une chaîne radio ou télé s’appelle channel : vous frémissez surement devant toutes les souffrances que vivent ces hordes de journalistes sur la rive de ces channels, on dirait des Moïses arrêtés devant le frontière de la Terre promise. Et ils vivent dans des conditions inhumaines, souvent dans la rue, sous le viaduc du métro ou du périphérique, ou parfois, quand ils ont beaucoup de chance, dans des camps de regroupement où ils sont privés d’eau.
Devant tant de misère humaine, que peut-on faire ?
- Eh bien, la première urgence est évidemment de définir une procédure de tri des journalistes.
On doit définir une règle claire et mettre en place des structures administratives permettant de séparer le bon grain –les journalistes politiques – de l’ivraie – la plèbe des autres, qu’on peut sans risque de se tromper rassembler dans la catégorie des journalistes économiques.
Les journalistes politiques recevront une carte ad’hoc qui leur permettra de postuler dans les médias de leur choix. Pour revenir aux trois journalistes dont les qualités d’interviewer et de choix de titres m’ont conduit à écrire cet article, le fait d’être capable de disserter sur un Plan pour trier les migrants leur donne bien entendu de grandes chances d’obtenir cette carte.
Les journalistes migrants qui ne l’obtiendront pas seront rejetés dans la catégorie des journalistes économiques et reconduits dans leur ancien média.
Deux problèmes subsistent :
- le 1e est celui des délais nécessaires pour traiter l’ensemble des dossiers. Les dures conditions budgétaires actuelles, que le ministre de l’économie du quinquennat précédent ne pouvait prévoir, et l’exemple des procédures analogues déjà mises en œuvre permettent de considérer comme raisonnable un délai d’environ deux ans entre le dépôt d’un dossier et la réponse de l’administration ;
- le 2e est le mode de reconduite du journaliste débouté dans son média d’origine ; sur ce point, et compte tenu de l’extrême générosité que traduira ce plan, il faut envisager la plus grande rigueur dans l’exécution, faute de quoi il y aurait appel d’air et nous serions sous la menace d’un tsunami de journalistes migrants.
Les journalistes ayant déposé un dossier et restant en attente de réponse n’auront évidemment pas le droit de travailler. Ils seront stockés dans les camps de regroupement évoqués plus haut, si des places sont disponibles, sinon ils seront autorisés à devenir SDF.
L’exigence morale de les traiter humainement est évidente. Elle sera satisfaite par une délégation de service public à des ONG qui auront fait l’objet d’une certification Qualité ISO 9000 pour les procédures de traitement des journalistes. Ces ONG seront en particulier chargées de les abreuver et de les laver.
Je lance donc :
- un appel à toutes les bonnes volontés pour m’aider à affiner ce plan ;
- une opération de financement participatif – pardon, de crowdfounding – pour financer sa rédaction et le début de sa mise en œuvre.
Bien entendu, le JdD, compte tenu de son expérience dans le tri des migrants, et Marie Sara, compte tenu de son expérience dans le tri des toros avant les corridas, seront les premiers partenaires sollicités dans cette opération.
© Serge Ruscram, 09-08-2017
Utilisation possible, sous réserve de mentionner l’auteur et l’URL du blog.
[1] https://www.relay.com/le-journal-du-dimanche/le-plan-de-la-france-pour-trier-les-migrants-numero-3682-quotidiens-559564-14.html, consulté le 09-08-17 à 15 h 09.
[2] Le texte est consultable, le 09-08-2017 à 15 h 14, à l’adresse http://www.lejdd.fr/politique/gerard-collomb-sur-les-migrants-de-calais-il-faut-eviter-les-infrastructures-fixes-3404516