À quand un plan pour trier les journalistes ?

À propos d’un article du Journal du dimanche

Photos : jungle de Calais, gare de triage de Kornwestheim, Albert Londres
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Le Journal du dimanche du 06-08-2017 titre [1] en une :

« Le plan de la France pour trier les migrants »

Il s’agit de l’annonce d’une interview [2] de Gérard Collomb, ministre d’État, ministre de l’intérieur du gouvernement Philippe, par trois journalistes que je préfèrerais ne pas nommer – l’accusation de délation me menace, et « rigoureusement ma mère m’a défendu de [les] nommer ici » – mais mon devoir d’informer l’emporte : il s’agit Stéphane Joahny, Christine Ollivier et David Revault d’Allonnes.

Ce superbe titre m’a donné une idée : je vais élaborer un

Plan pour trier les journalistes,

que je soumettrai à Françoise Nyssen, ministre de la culture du même gouvernement. J’espère que cela m’ouvrira, à moi aussi, la une du JdD. Votre participation à cette élaboration est fortement souhaitée.

Les principales orientations de ce plan sont les suivantes.

  1. Il est vital de distinguer les journalistes politiques des journalistes économiques.

L’identification des premiers est simple. Ils sont soumis, de par le milieu qu’ils fréquentent, à des atteintes permanentes à leurs droits humains les plus élémentaires (harcèlement sexuel, pressions, mensonges éhontés…) : c’est, vous l’avouerez, inadmissible. Pour les seconds, l’identification est plus difficile : ils s’estiment, on ne sait pourquoi, victimes d’inégalités de traitement (au sens de salaire) et de frais de déplacement, ce qui est, vous l’avouerez aussi, beaucoup plus supportable. C’est pour cela qu’ils axent leurs articles sur les conditions économiques.

Les deux groupes n’ont donc qu’une idée en tête – ils ne sont jamais contents – : quitter leur journal, leurs chaînes (sans jeu de mots) ou leur média, pour migrer vers un autre journal, d’autres chaînes, un autre média où la liberté de parole est totale, l’herbe plus verte, le soleil plus doux, la table mieux garnie.

Bien entendu, la Déclaration universelle des droits de l’homme-journaliste leur reconnaît le droit de le faire. Mais même si, pour d’évidentes raisons morales, ils doivent faire un effort, les bons médias ne peuvent accueillir toute la misère journalistique du monde. Un flux incontrôlable de journalistes migrants déferle donc sur le monde des médias, avec les conséquences désastreuses que vous imaginez.

En anglais, une chaîne radio ou télé s’appelle channel : vous frémissez surement devant toutes les souffrances que vivent ces hordes de journalistes sur la rive de ces channels, on dirait des Moïses arrêtés devant le frontière de la Terre promise. Et ils vivent dans des conditions inhumaines, souvent dans la rue, sous le viaduc du métro ou du périphérique, ou parfois, quand ils ont beaucoup de chance, dans des camps de regroupement où ils sont privés d’eau.

Devant tant de misère humaine, que peut-on faire ?

  1. Eh bien, la première urgence est évidemment de définir une procédure de tri des journalistes.

On doit définir une règle claire et mettre en place des structures administratives permettant de séparer le bon grain –les journalistes politiques – de l’ivraie – la plèbe des autres, qu’on peut sans risque de se tromper rassembler dans la catégorie des journalistes économiques.

Les journalistes politiques recevront une carte ad’hoc qui leur permettra de postuler dans les médias de leur choix. Pour revenir aux trois journalistes dont les qualités d’interviewer et de choix de titres m’ont conduit à écrire cet article, le fait d’être capable de disserter sur un Plan pour trier les migrants leur donne bien entendu de grandes chances d’obtenir cette carte.

Les journalistes migrants qui ne l’obtiendront pas seront rejetés dans la catégorie des journalistes économiques et reconduits dans leur ancien média.

Deux problèmes subsistent :

  • le 1e est celui des délais nécessaires pour traiter l’ensemble des dossiers. Les dures conditions budgétaires actuelles, que le ministre de l’économie du quinquennat précédent ne pouvait prévoir, et l’exemple des procédures analogues déjà mises en œuvre permettent de considérer comme raisonnable un délai d’environ deux ans entre le dépôt d’un dossier et la réponse de l’administration ;
  • le 2e est le mode de reconduite du journaliste débouté dans son média d’origine ; sur ce point, et compte tenu de l’extrême générosité que traduira ce plan, il faut envisager la plus grande rigueur dans l’exécution, faute de quoi il y aurait appel d’air et nous serions sous la menace d’un tsunami de journalistes migrants.

Les journalistes ayant déposé un dossier et restant en attente de réponse n’auront évidemment pas le droit de travailler. Ils seront stockés dans les camps de regroupement évoqués plus haut, si des places sont disponibles, sinon ils seront autorisés à devenir SDF.

L’exigence morale de les traiter humainement est évidente. Elle sera satisfaite par une délégation de service public à des ONG qui auront fait l’objet d’une certification Qualité ISO 9000 pour les procédures de traitement des journalistes. Ces ONG seront en particulier chargées de les abreuver et de les laver.

Je lance donc :

  1. un appel à toutes les bonnes volontés pour m’aider à affiner ce plan ;
  1. une opération de financement participatif – pardon, de crowdfounding – pour financer sa rédaction et le début de sa mise en œuvre.

Bien entendu, le JdD, compte tenu de son expérience dans le tri des migrants, et Marie Sara, compte tenu de son expérience dans le tri des toros avant les corridas, seront les premiers partenaires sollicités dans cette opération.

© Serge Ruscram, 09-08-2017
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[1] https://www.relay.com/le-journal-du-dimanche/le-plan-de-la-france-pour-trier-les-migrants-numero-3682-quotidiens-559564-14.html, consulté le 09-08-17 à 15 h 09.

[2] Le texte est consultable, le 09-08-2017 à 15 h 14, à l’adresse http://www.lejdd.fr/politique/gerard-collomb-sur-les-migrants-de-calais-il-faut-eviter-les-infrastructures-fixes-3404516

Choses vues à la manifestation CGT, FO, FSU et Solidaires

1er mai 2017 à Paris

Photo : La Liberté guidant le peuple (fragment), Eugène Delacroix
© Wikimédia
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Ce premier mai, entre les deux tours de l’élection présidentielle, c’était la désunion syndicale. Voici quelques impressions que j’ai eues dans la manifestation « Pour nos exigences sociales – Contre l’extrême droite », organisée à l’appel de CGT, FO, FSU et Solidaires de la République à la Nation.

J’ai rendez-vous à Bastille, et, à 14 h 30, nous commençons à remonter le boulevard Beaumarchais pour gagner le départ de la manif’ à Répu. Elle n’est pas encore partie, mais des groupes sont déjà sur le parcours, immobiles.

Et c’est déjà un choc : un premier cordon de flics, sans doute des policiers, sur plusieurs lignes, est l’arme au pied (au sens propre) en tête du cortège qui n’a pas encore démarré, face aux manifestants. Les flics sont déguisés en Robocop, tout en noir, avec casque, masque à gaz, armure en fibre de carbone. Certains ont lanceur de flash ball, fusil à lunette, ou un tas d’autres armes impressionnantes. Devant eux, un contingent de la France insoumise. Puis… un 2e cordon d’au moins 4 lignes des mêmes Robocops, face aux manifestants suivants. Mais le 1e contingent de ces manifestants est un groupe homogène et dense de quelques dizaines, sans doute deux cents personnes : tous sont habillés en noir, cagoulés de noir, un foulard noir sur le nez et la bouche.

La loi n° 2010-1192 du 11 octobre 2010 « interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public » précise dans son article 1 que « Nul ne peut, dans l’espace public, porter une tenue destinée à dissimuler son visage ». Elle permet aux forces de l’ordre de verbaliser les femmes en burqa, ce que je trouve bien. Mais, malgré le nombre de flics par manifestant à cet endroit et leur armement, qui leur donne une impressionnante supériorité, ils n’ont, semble-t-il, pas la consigne d’interpeller ces « manifestants », qui constituent clairement un groupe d’anar’ venus pour en découdre, sans doute infiltrés par quelques flics : ces anar’ seraient donc incomparablement moins dangereux pour la société qu’une femme isolée en burqua.

Derrière ces présumés casseurs (je sais, il y a la présomption d’innocence, mais allez voir les photos, par exemple sur le site du Parisien [1]), cette fois sans cordon de flics, les vrais manifestants, CGT en tête.

Et la manif’ démarre, le cordon de flics « avançant à reculons » comme m’a dit une amie.

La stratégie fixée à la police est donc de :

  • former en tête de manif’ une nasse dont on ne pourra pas s’échapper ;
  • découper la manif’ en tronçons, en séparant le bon grain (ou plutôt l’assez bon grain), les syndicats qui annoncent assez clairement qu’ils poussent à voter Macron, de l’ivraie, la France insoumise qui appelle seulement à barrer la route au Front national ;
  • laisser le SO [2] de la CGT au contact avec les casseurs, alors que leur rôle est d’encadrer leurs troupes et pas de maintenir l’ordre.

L’ordre de dangerosité décroissante est donc, aux yeux du ministère de l’intérieur, la femme isolée en burqa, puis la France insoumise, puis les casseurs, suffisamment peu dangereux pour qu’on les laisse en contact direct avec la CGT.

Trois quarts d’heure plus tard, la tête de manif’ a avancé de 300 m, et la nasse la bloque à l’entrée de la place de la Bastille. Évidemment, ça dégénère tout de suite. Des cocktails Molotov sont lancés directement sur les flics (voir les autres photos du diaporama cité plus haut). Si j’étais croyant, je dirais que c’est un miracle qu’il n’y ait « que » six policiers blessés, dont deux gravement.

La technique de la nasse et de l’impunité des casseurs n’est pas une nouveauté : elle était déjà systématique au moment des manifs’ contre la loi « Travaille ! ». On a du mal à croire qu’il n’y a pas une volonté politique de ce gouvernement, qui se proclame socialiste et qui est en fait libéral et même pas social-libéral, de provoquer la violence dans les manifestations.

Et je m’interroge sur l’objectif politique que cela cache. Au moment de la loi Travaille, on peut comprendre que ce gouvernement cherchait à discréditer les manifestants. Mais entre les deux tours de l’élection présidentielle, cela ne peut avoir comme effet que de radicaliser la droite et l’extrême droite contre les violences imputées aux manifestants mais en fait provoquées par la stratégie de la police, et de dégoûter l’extrême gauche, ce qui accroîtra le nombre d’abstentions et de votes blancs et nuls : cela fait le jeu de Marine Le Pen. Alors, politique de la terre brûlée ? J’ai du mal à comprendre.

Et cette politique repose sur l’envoi à l’abattoir, ou plutôt à l’incendie, de la base des forces de maintien de l’ordre. Ce n’est pas cette base qui est responsable des violences, c’est la hiérarchie qui les téléguide.

C’est avec un gouvernement « socialiste » que cela se passe comme ça avec. Imaginons Marine Le Pen présidente avec une majorité Front national. Que deviendra la liberté de manifester ?

C’est pour cela que, la rage au cœur, je vais malgré tout voter Macron.

© Serge Ruscram, 02-05-2017
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[1] Voir en particulier la photo 7/12 du diaporama (vue le 02-05-17 à 17 h) : s’agit-il de gentils manifestants ?

[2] Pour les macronistes, peu habitués à manifester, SO signifie service d’ordre.

De la laïcité dans les valeurs de la République

Une valeur de paix qui deviendrait conflictuelle ?

© Serge Ruscram, 23-12-201
© Richard Murray sur Wikepédia (photo du kilt)
© Serge Ruscram pour les autres photos (Sahel malien et nigérien, 1977)
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1      Laïcité : que de conflits sémantiques en ton nom !

  • Est-il interdit d’ajouter une épithète au substantif laïcité, ou est-ce nécessaire, comme l’a dit Nicolas Sarkozy, qui souhaitait une laïcité positive[1] ?
  • La laïcité se définit-elle par la loi de 1905, ni plus ni moins, supposée parfaite, ou faut-il la faire évoluer pour qu’elle s’adapte aux évolutions de la société ?
  • La laïcité est-elle unique, et faut-il pour cette raison critiquer Jean Baubérot qui propose une typologie de la laïcité dans son livre Les sept laïcités françaises[2] ?
  • Les mots laïcisme et islamophobie ont-ils un sens ?

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Il ne faut pas désespérer la France périphérique…

… maintenant que Billancourt n’existe plus

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Le titre de cet article est inspiré par une phrase qu’aurait dite Jean-Paul Sartre en 1968 : « Il ne faut pas désespérer Billancourt ». L’usine Renault de Billancourt était alors une citadelle ouvrière. En réalité, il semble que cette phrase provienne du collage de deux répliques de Nekrassov, une pièce peu connue de Jean-Paul Sartre, créée en 1955 : « Il ne faut pas désespérer les pauvres » et « Désespérons Billancourt ». Aujourd’hui, Billancourt n’existe plus, en tout cas en tant que bastion syndical, et, avec la désindustrialisation, le néo-libéralisme et leur impact sur le développement de l’individualisme, la classe ouvrière a volé en éclats. Mais la recherche sociologique et économique récente met en évidence l’émergence d’une France périphérique, probablement majoritaire dans la population et en croissance, qui ne bénéficie pas des avantages de la mondialisation et continue à se marginaliser.

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Que devient la valeur Égalité ?

Image : devise révolutionnaire sous la Terreur
© http://www.lepassepresent.com

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D’après une exposé fait en juillet 2015

Liberté – Égalité – Fraternité, c’est la devise de la République française. Elle est apparue en 1790 dans un discours de Robespierre sur l’organisation de la Garde nationale de la Révolution française. Chacun des deux premiers mots correspond à une caractéristique de la société idéale que la République souhaite. Le 3e désigne plutôt une attitude dans les rapports humains et sociaux. On peut dire que la fraternité, bien comprise et réellement pratiquée, pousse chacun à agir dans le sens de l’égalité.

Mais je ne vais pas parler aujourd’hui de Fraternité. C’est un autre sujet, sur lequel il y aurait beaucoup à dire. Je me bornerai à parler d’Égalité, si je choisis une formulation optimiste, ou, dans le cas contraire, d’inégalité. Lire la suite « Que devient la valeur Égalité ? »

Le PS voulait perdre son électorat : il a réussi

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Rappelons-nous l’essai de Terra nova paru en mai 2012, avant la dernière présidentielle, intitulé Gauche : quelle majorité électorale pour 2012 ? [1]. Terra nova est un think tank proche du PS, et plus précisément de l’aile droite du PS, celle qui s’est longtemps incarnée dans DSK, et dont la doctrine paraît avoir pris le pouvoir dans l’exécutif issu des élections de 2012, que je qualifie de social-libéral même s’il s’affirme social-démocrate. On pouvait y lire :

Si la coalition historique de la gauche est en déclin, une nouvelle coalition émerge. Sa sociologie est très différente :

  1. Les diplômés. […]
  2. Les jeunes. […]
  3. Les minorités et les quartiers populaires [mais la suite parle plus de la diversité que des « quartiers populaires » dans leur ensemble…].
  4. Les femmes […].

[…] Contrairement à l’électorat historique de la gauche, coalisé par les enjeux socioéconomiques [2] cette France de demain est avant tout unifiée par ses valeurs culturelles, progressistes

Donc, la stratégie prônée en 2012 par Terra nova repose sur l’idée que la gauche doit désormais s’intéresser prioritairement aux valeurs culturelles, et que les enjeux socio-économiques sont dépassés. Le chômage, le temps partiel contraint, les travailleurs pauvres, les SDF, tout cela n’a désormais plus autant d’intérêt. Seuls les « coalisés » de la gauche « historique » (je soupçonne un peu de mépris dans ces termes, mais sans doute ai-je l’esprit mal tourné) s’y intéressent encore.

Terra nova a quand même la clairvoyance d’identifier quelques risques :

La nouvelle coalition électorale de la gauche présente trois faiblesses structurelles :

  1. Une dynamique démographique limitée. […]
  2. Une coalition électorale en construction. […]
  3. Une abstention élevée. […]

Quelle appréciation peut-on porter sur cette analyse ? Si on souhaite introduire un peu de vraie rationalité dans les sciences politiques, il faut revenir à la caractéristique majeure de la démarche scientifique : on construit une théorie, on fait une prévision et on vérifie la qualité de la théorie par la qualité des prévisions qu’elle fonde. Or les résultats des municipales 2014 montrent que la thèse de Terra nova n’est correcte que sur les faiblesses identifiées :

  • L’abstention s’avère un risque majeur.
  • Quant à la diversité… On se reportera par exemple à l’intéressant livre Passion française. Les voix des cités [3] qui vient de sortir. G. Kepel s’y est intéressé aux candidats aux législatives de 2012 qui étaient « issus de la diversité ». Il a constaté que les électeurs de la diversité, qui ont longtemps voté majoritairement à gauche, en particulier depuis les émeutes de 2005, sont de plus en plus désabusés devant les promesses non tenues des politiques de droite comme de gauche sur la baisse du chômage, l’amélioration des conditions de vie dans les quartiers, etc. Les critères de choix pour leur vote sont de plus en plus orientés vers des revendications de type corporatiste, souvent communautaristes, parfois religieuses, voire intégristes. Ils se tournent vers le candidat qui se déclare prêt à défendre ces revendications, indépendamment de son orientation politique, et votent désormais, selon les caractéristiques et le clientélisme des candidats locaux, aussi bien pour l’extrême droite, la droite ou le centre que pour la gauche de gouvernement ou l’extrême gauche.

Cette thèse, solidement argumentée, est dans le droit fil d’une conviction que G. Kepel avait par exemple déjà exprimée dans Quatre-vingt-treize [4] (voir la note de lecture sur ce blog), livre dans lequel il écrit que le défi majeur de la société française est « la désintégration de la société française – à laquelle ne peut répondre qu’une politique résolue d’intégration (p. 257) ».

Cette coalition souhaitée par Terra nova, et qui constitue manifestement la cible marketing de l’actuel exécutif, n’est donc pas une « nouvelle coalition [qui] émerge », mais plutôt un fantasme en train de tourner au cauchemar. Et on peut craindre que ce cauchemar dure jusqu’aux européennes et bien au-delà.

Être de gauche consiste pourtant à s’occuper d’abord de la situation socioéconomique, en commençant par celle des moins favorisés. Le contexte de la crise économique du modèle occidental ne simplifie pas la tâche, mais il existe de nombreuses pistes réellement de gauche, qu’elles traitent de l’économie, de la fiscalité (voir sur ce blog la note de lecture sur le livre de Thomas Piketty Le capital au XXIe siècle), de l’écologie, de la réorientation de l’Europe… Quand donc la majorité « social-démocrate » actuelle (re)deviendra-t-elle socialiste ?

© Serge Ruscram, 13-04-2014
Utilisation possible, sous réserve de mentionner l’auteur et l’URL du blog.


[1] Auteurs : Bruno Jeanbart, Olivier Ferrand, Romain Prudent.

[2] C’est moi qui souligne.

[3] Gilles Kepel, Gallimard, Témoins, 03-04-2014.

[4] Gilles Kepel, Quatre-vingt-treize, Gallimard, 2012.

À propos des institutions de l’Union européenne…

Image : Paysage avec l’enlèvement d’Europe, Hendrik van Minderhout (1632 –1696), musée des beaux-arts de Rouen (détail)
© Wikipédia

Cette illustration a été choisie en référence à un récent livre de Robert Salais, Le Viol d’Europe. Enquête sur la disparition d’une idée (PUF, 2013), dont l’argument est que l’Union européenne, dès son origine, a été victime d’un conflit entre la volonté d’en faire une entité libérale, avec pour objectif essentiel la mise en place de la « concurrence libre et non faussée », et des objectifs politiques et sociaux, ceux-ci ayant toujours perdu toutes les batailles : la référence que fait le titre du livre au mythe de l’enlèvement et, dans une de ses deux versions, du viol de la princesse Europe par Zeus ayant pris la forme d’un taureau figure cette succession de défaites.

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Quelques réflexions anciennes

Le texte qui suit a été écrit en février 2005, au moment de la campagne du référendum français sur le projet de traité pour une constitution européenne (TCE). Rappelons le résultat de ce référendum : le projet de TCE a été largement rejeté le 29 mai 2005, sous la présidence de Jacques Chirac, par 54,67 % de Non, avec un taux de participation de 69,34 % et un taux de blancs et nuls de 2,51 %. Le contenu du traité, dont la mise en œuvre aurait nécessité la ratification par l’ensemble des États de l’Union européenne, a ensuite été renégocié et la France a ratifié son remplaçant, le traité de Lisbonne, le 8 février 2008, cette fois par voie parlementaire, sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Lire la suite « À propos des institutions de l’Union européenne… »

« Contreparties chiffrées », vous avez dit « Contreparties chiffrées », mon cher cousin ?

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Pacte de responsabilité, langue de bois, manipulation et incompétence

En ouverture de sa conférence de presse du 14 janvier dernier, le président de la République, François Hollande, a défini les quatre chantiers du pacte de responsabilité Lire la suite « « Contreparties chiffrées », vous avez dit « Contreparties chiffrées », mon cher cousin ? »

Signez le manifeste « Pour une union politique de l’euro » !

Image : L’Enlèvement d’Europe par le Titien (1959-1562), Isabella Stewart Gardner Museum, détail
© Wikipedia

Cette illustration a été choisie en référence à un récent livre de Robert Salais, Le Viol d’Europe. Enquête sur la disparition d’une idée (PUF, 2013), dont l’argument est que l’Union européenne, dès son origine, a  été victime d’un conflit entre la volonté d’en faire une entité libérale, avec pour objectif essentiel la mise en place de la « concurrence libre et non faussée », et des objectifs politiques et sociaux, ceux-ci ayant toujours perdu toutes les batailles : la référence que fait le titre du livre au mythe de l’enlèvement et, dans une de ses deux versions, au viol de la princesse Europe par Zeus ayant pris la forme d’un taureau figure cette succession de défaites.

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Le Monde daté du 18-02-2014 a consacré une pleine page au manifeste intitulé Pour une union politique de l’euro, accessible aux abonnés à LeMonde.fr. Mais il est préférable de consulter le manifeste complet sur le site qui lui est dédié. Et il faut l’y signer ! Lire la suite « Signez le manifeste « Pour une union politique de l’euro » ! »

Laïcité, égalité pour les femmes, révolutions arabes…

Un très intéressant colloque s’est déroulé le 23-01-2014 au Sénat, sur le sujet suivant :

La laïcité, un enjeu d’égalité pour les femmes, à la lumière des révolutions du monde arabe

Il était organisé par Françoise Laborde, sénatrice PRG de la Haute-Garonne, en partenariat avec l’association Égale (Égalité, Laïcité, Europe) et l’AFEM (association pour les femmes de l’Europe méridionale).

Le programme complet est fourni plus bas. L’ensemble des interventions est accessible en audio sur le site d’Égale.

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Le premier aspect intéressant de ce colloque est qu’il a donné la parole à des laïques, et surtout à des femmes laïques, du Sud et de l’Est du bassin méditerranéen, issu(e)s du Maroc, d’Algérie, de Tunisie, d’Égypte, du Liban, d’origines culturelles et de convictions spirituelles diverses… Ce sont des voix à qui les médias donnent bien peu de place, alors qu’elles existent plus que, de ce fait, on ne l’imagine souvent : raison de plus pour les écouter et diffuser leur parole.

Le deuxième aspect intéressant, et essentiel, est qu’à travers cette diversité d’opinions, par exemple sur l’appréciation de la toute récente constitution tunisienne, une grande unanimité se fait sur le fait que la liberté de conscience et la libération de la femme passent obligatoirement par la séparation de l’État et des religions, quelles qu’elles soient.

Si vous prenez le temps d’écouter toutes les interventions, vous aurez un vaste panorama de la situation des femmes, et de ce que la laïcité apporterait, dans le Sud et l’Est du bassin méditerranéen (avec les interventions du matin) et en Europe (avec celles de l’après-midi).

Si vous voulez faire une sélection, je vous indique ce qui m’a paru le plus original et m’a appris le plus de choses :

  • dans la 1e table ronde, la juxtaposition des interventions de Jean Maher (enregistrement audible à partir de l’index 300 seulement) et de Nadia El Fani donne deux interprétations divergentes, l’une optimiste et l’autre beaucoup moins, de l’état de la révolution tunisienne et de la récente constitution ;
  • dans la 2e table ronde, l’intervention de Soad Baba Aïssa donne des informations sur la situation des femmes en Algérie, pays dont on parle trop peu depuis le déclenchement des révolutions arables ; elle souligne que le danger et la vigueur des intégrismes des religions autres que l’islam ne doivent pas être oubliés, et rappelle opportunément que les institutions françaises respectent trop souvent insuffisamment la laïcité, avec des conséquences graves : risques de développer le communautarisme, risques de ce qu’on appelle souvent abusivement les « aménagements raisonnables »… ;
  • toujours dans la 2e table ronde, Zineb El Rhazoui décrit la situation des femmes au Maroc, ce qui conduit à fortement relativiser l’image modérée du royaume chérifien souvent donnée par les médias ;
  • dans la 4e table ronde, Moussa Allem donne une vision de l’action pour l’égalité fondée sur sa pratique du travail sur le terrain en France, qui diverge des positions habituelles dans le monde laïque : pour lui, par exemple, militer contre le port du voile n’est pas un objectif prioritaire, il vaut mieux s’attacher à réunir les conditions pour que les femmes musulmanes participent davantage à la vie de la cité et aux activités sociales ;
  • enfin, la conclusion des travaux, présentée par Gérard Delfau, montre bien l’originalité de ce colloque.

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Programme complet

9 h 30 :  mot de bienvenue par Françoise Laborde, sénatrice

9 h 45 :  allocution d’ouverture, par Fatima Lalem, adjointe au maire de Paris chargée de l’égalité femme/homme

10 h 15 :  introduction au débat, par Jean-Claude Boual, secrétaire général adjoint d’Égale

Matin : les enjeux dans le monde arabe et la région méditerranéenne

10 h 30 :  première table ronde, Les révolutions pour les droits universels

Modératrice : Nelly Jazra-Bandarra, vice-présidente de l’AFEM

Participants :

  • Saïda Douki-Dedieu, psychiatre
  • Jean Maher, président de l’union égyptienne des droits humains, représentant des Coptes en France
  • Nadia El Fani, cinéaste, auteure du film Laïcité Inch Allah, lauréate du prix de la laïcité 2011

11 h 30 :  deuxième table ronde, Les revendications des droits universels dans la région

Modératrice : Laure Caille, déléguée à l’égalité femmes / hommes au sein d’Égale

Participantes :

  • Zineb El Rhazoui, journaliste et co-fondatrice du mouvement alternatif pour les libertés Individuelles (MALI), Maroc
  • Rose-Marie Massad-Chahine, professeure à la faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université libanaise, Liban
  • Nathalie Pilhes, secrétaire générale à la délégation interministérielle à la Méditerranée, France
  • Soad Baba Aïssa, présidente de l’association pour la mixité, l’égalité, et la laïcité (AMEL), Algérie

Après-midi : les enjeux en Europe et en France

14 h 30 :  introduction au débat par Catherine Sophie Dimitroulias, vice-présidente de la conférence des organisations internationales non-gouvernementales du conseil de l’Europe, vice-présidente de l’AFEM

14 h 45 :  troisième table ronde, La laïcité et l’égalité en Europe

Modératrice : Teresa Boccia, professeure à l’Université Federico II de Naples, experte auprès de l’ONU, présidente de l’AFEM

Participantes :

  • Véronique de Keyser, députée européenne, Belgique
  • Ingvill Thorson Plesner, conseillère principale au centre pour les droits de l’homme, Norvège
  • Carmen Romero López, députée européenne, Espagne

15 h 45 :  quatrième table ronde, Les chantiers de l’égalité et de la laïcité en France

Modératrice : Martine Cerf, secrétaire générale d’Égale

Participants :

  • Françoise Brié, membre du haut conseil de l’égalité, vice-présidente de la fédération nationale solidarité femmes (FNSF), France
  • Moussa Allem, chargé de mission à la direction régionale de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) de la région Nord-Pas de Calais
  • Caroline Eliacheff, pédopsychiatre, auteure de Comment le voile est tombé sur la crèche
  • Jean-Paul Delahaye, directeur général à la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO), France

17 h 00 :  synthèse des travaux et conclusion, Gérard Delfau, ancien sénateur, président d’Égale

© Serge Ruscram, 04-02-2014
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